DOUZE

 

Tout s’est arrêté. Comme si le bruit du bar s’était soudain transformé en boue dans mes oreilles. La fumée a cessé de bouger, la pression des gens derrière moi a paru reculer. C’était une réaction au choc que je n’avais pas encore eue dans l’enveloppe Eishundo, même en plein combat contre les minmils. De l’autre côté de cet instant onirique, j’ai vu Oishii me regarder avec attention, et j’ai porté le verre à mes lèvres en pilotage automatique. Le single malt est descendu, il m’a brûlé, et quand la chaleur a touché le fond de mon estomac, le monde a redémarré, aussi vite qu’il s’était arrêté. Musique, bruit, foule autour de moi.

— Kovacs. Vraiment ?

— Tu le connais ? a demandé Simi.

— J’en ai entendu parler. (Ce n’était pas le moment de partir sur un gros mensonge. Pas avec la façon dont Oishii me regardait. J’ai repris une gorgée.) Il a dit ce qu’il voulait ?

— Non. (Simi a secoué la tête avec l’air de s’en moquer.) Il a demandé juste où tu étais, si tu étais parti avec les Furtifs. C’était il y a quelques jours, alors je lui ai répondu que tu faisais la fête chez Annette, comme les autres. Il…

— Est-ce qu’il… Pardon, continue. Tu disais ?

— Il avait très envie de te parler. Il a persuadé quelqu’un, Anton et le gang du Crâne, je crois, de l’emmener jeter un œil chez Annette. Alors tu le connais, ce mec ? C’est un souci ?

— Bien sûr, a dit Oishii calmement, ce n’est peut-être pas le même Kovacs que tu connais. C’est un nom assez courant.

— C’est vrai, ai-je admis.

— Mais tu n’y crois pas ?

J’ai fabriqué un haussement d’épaules.

— Ça paraît peu probable. Il me cherche, j’ai entendu parler de lui. Le plus probable, c’est qu’on ait un truc en commun.

Le membre de l’équipe d’Oishii et Simi ont tous les deux eu un hochement de tête convaincu, assentiment alcoolisé. Oishii lui-même paraissait plus intrigué.

— Et qu’est-ce que tu as entendu dire sur ce Kovacs ?

Cette fois, le haussement d’épaules a été plus simple.

— Rien de bon.

— Ouais, a dit Simi. C’est ça. À le voir, on aurait dit un malade vraiment méchant, ce salaud.

— Il était seul ?

— Nan, tout un groupe de gros bras avec lui. Quatre ou cinq. Avec un accent de Millsport.

Super. Donc, ce n’était plus une question locale. Tanaseda tenait sa promesse. « Une condamnation planétaire demandant votre capture. » Et quelque part, ils avaient déterré…

Tu n’es pas sûr. Pas encore.

Allez. Bien sûr que si. Pourquoi utiliser ce nom-là ? Ça te rappelle pas le sens de l’humour de quelqu’un, ça ?

À moins…

— Simi, au fait : il ne m’a pas demandé personnellement ? En m’appelant par mon nom ?

— Je sais pas, a fait Simi en clignant des yeux. Tu t’appelles comment ?

— OK, laisse tomber.

— Ce type demandait Sylvie, a expliqué Oishii. Il connaissait son nom à elle. Et les Furtifs, apparemment. Mais il avait surtout l’air intéressé par une nouvelle recrue de Sylvie. Et son nom à lui, il ne le connaissait pas. C’est ça, Simi ?

— Ouais, ’peu près, ouais.

Simi avait le regard perdu dans son verre vide. J’ai fait signe au barman de resservir tout le monde.

— Et ces types de Millsport, ils sont encore dans le coin, à ton avis ?

Simi a fait la moue.

— Peut-être. Sais pas. J’ai pas vu sortir le gang du Crâne, je ne sais pas combien de gens ils ont emmenés.

— Mais ce serait logique, a repris Oishii. Si ce Kovacs a fait ses recherches, il saura que c’est difficile de suivre quelqu’un chez Annette. Ce serait logique de laisser quelques gars derrière au cas où tu reviendrais. Pour qu’on lui envoie la nouvelle par diff.

— Ouais. (J’ai vidé mon verre et frissonné. Debout.) Je crois qu’il faut que je parle à mon équipe. Si vous voulez bien m’excuser.

Je me suis frayé un chemin dans la foule à coups d’épaules jusqu’à ce que je retrouve Jad et Kiyoka. Elles étaient prises dans un fougueux baiser, oubliant complètement ce qui les entourait. Je me suis glissé sur le siège à côté d’elles et j’ai mis la main sur l’épaule de Jadwiga.

— Arrêtez ça, toutes les deux. On est dans la merde.

— Et moi, a grondé Orr, je dis que tu te fous de notre gueule.

— Vraiment ? (J’ai gardé mon sang-froid, avec effort, et regretté de ne pas avoir utilisé toute ma persuasion de Diplo au lieu de laisser mes collègues de déClass décider par eux-mêmes.) Je te parle de yakuzas, là.

— Tu n’en sais rien.

— Réfléchis un peu. Il y a six semaines, on s’est rendus collectivement responsables de la mort du fils d’un yakuza de grade élevé et de ses deux hommes de main. Maintenant, quelqu’un nous cherche.

— Non. Quelqu’un te cherche. On ne sait pas encore s’il cherche aussi les autres.

— Écoutez-moi. Tous. (Un regard général dans la pièce sans fenêtre qu’on avait trouvée pour Sylvie. Une seule couchette, spartiate, des placards dans les murs, une chaise dans un coin. Avec la tête de contrôle recroquevillée sur la couchette et son équipage autour, l’espace était plein.) Ils connaissent Sylvie, ils ont fait le lien entre elle et moi. C’est ce qu’a dit le copain d’Oishii.

— Putain, on a nettoyé l’appart comme…

— Je sais, Jad, mais ça n’a pas suffi. Ils ont des témoins qui nous ont vus tous les deux, une vidéo périphérique peut-être, ou autre chose. Le principal, c’est que je connais ce Kovacs, et croyez-moi, si on attend qu’il nous rattrape, on se foutra bien qu’il cherche Sylvie, moi ou tout le monde. C’est un ancien Diplo. Il va descendre tous ceux qui sont dans cette pièce, histoire de simplifier les choses.

La terreur de l’ancien Diplo. Sylvie dormait, ou était bourrée de drogues pour récupérer. Orr était trop prêt à la confrontation. Mais les autres ont grimacé. Sous le calme blindé du déClass, ils avaient grandi en entendant les histoires d’horreur sur Adoracion et Sharya, comme tout le monde. Les Diplos débarquaient et ils ravageaient votre planète. Ce n’était pas si simple, bien sûr, la vérité était beaucoup plus complexe, et en fait bien plus effrayante. Mais qui a envie de vérité, dans notre univers ?

— Et si on prenait les devants ? a proposé Jadwiga. Si on trouvait les copains de Kovacs et qu’on les faisait taire avant qu’ils transmettent quoi que ce soit ?

— C’est sans doute trop tard, Jad. (Lazlo a secoué la tête.) On est rentrés depuis plusieurs heures. Si quelqu’un cherche à le savoir, il est déjà au courant.

Enfin, ça bougeait. Je suis resté silencieux et j’ai regardée les choses tourner comme je voulais. Kiyoka est intervenue, les sourcils froncés.

— De toute façon, on n’a aucun moyen de les trouver. Ici, l’accent de Millsport et une tête de dur, c’est la meilleure façon de passer inaperçu. Au minimum, il faudrait utiliser les données de la base et… (elle a indiqué Sylvie, toujours en position fœtale) on n’est pas en état.

— Même si Sylvie était d’attaque, on se ferait virer. Vu comme Kurumaya nous porte dans son cœur en ce moment, il suffirait qu’on se lave les dents avec le mauvais voltage pour qu’il nous saute dessus. J’imagine qu’on est protégés contre les intrusions.

Lazlo a désigné du menton le brouilleur d’espace personnel à résonance perché sur la chaise. Kiyoka a hoché la tête, d’une façon un peu incertaine à mon goût.

— Le fin du fin, Laz. Vraiment. Je l’ai acheté chez Reiko, Straight-to-Street, avant qu’on parte. Micky, ce que je veux dire, c’est qu’on est plus ou moins prisonniers, ici. Si ce Kovacs nous cherche, qu’est-ce qu’on peut y faire ?

C’est parti.

— Je peux mettre les bouts ce soir. Et à mon avis, je ferais mieux d’emmener Sylvie.

Silence dans la pièce. J’ai suivi les regards, évalué les émotions, estimé l’issue.

Orr a roulé la tête sur ses épaules comme un lutteur qui s’échauffe.

— Tu peux aller te faire mettre.

— Orr…, a commencé Kiyoka.

— Non, Ki. Hors de question. Hors de question que ce mec-là l’emmène où que ce soit. Pas tant que j’aurai mon mot à dire.

Jadwiga m’a regardé, soupçonneuse.

— Et nous, Micky ? Qu’est-ce qu’on fait quand Kovacs débarque avec l’envie de tuer ?

— Vous vous cachez. Vous récoltez les services qu’on vous doit, vous vous faites oublier soit dans la base, soit chez Annette avec une autre équipe si vous arrivez à convaincre quelqu’un. Merde, vous pouvez même vous faire arrêter par Kurumaya, si vous pensez qu’il vous gardera bien au chaud.

— Eh, connard, on peut faire tout ça sans te don…

— Ah oui, Orr ? Vraiment ? Tu vas pouvoir te promener chez Annette avec Sylvie dans cet état ? Qui va la porter ? Quelle équipe ? Quelle équipe peut se permettre un tel poids mort ?

Orr a regardé autour de lui, se sentant coincé.

— On peut la cacher ici, dans…

— Orr, tu ne m’écoutes pas. Kovacs va tout retourner pour nous trouver. Je le connais.

— Kurumaya…

— Laisse tomber. Il se farcira Kurumaya comme du beurre, s’il le faut. Orr, il y a une seule chose qui peut l’arrêter : la certitude que Sylvie et moi sommes partis. Parce que dans ce cas-là, il n’aura pas le temps de se faire chier à vous trouver. Quand on arrivera à Tek’to, on fera en sorte que Kurumaya l’apprenne, et quand Kovacs sera revenu, tout le monde dans la base saura qu’on a mis les bouts. Ça suffira à le faire grimper dans le prochain glisseur.

Un nouveau silence, cette fois comme un compte à rebours. Je les ai regardés se laisser convaincre, un par un.

— Ça se tient, Orr, a dit Kiyoka en posant la main sur l’épaule du géant. C’est pas beau, mais ça se tient.

— Au moins comme ça, la pilote sera sortie des emmerdes.

Orr s’est secoué.

— Putain, vous me faites halluciner. Vous ne voyez pas qu’il essaie de vous faire peur ?

— Ouais, il réussit, même, a lancé Lazlo. Sylvie est au tapis. Si les yakuzas engagent des assassins diplos, on est grave dépassés.

— Il faut la protéger, Orr. (Jadwiga regardait par terre, comme si la prochaine bonne idée serait de creuser un tunnel.) Et on ne pourra pas le faire ici.

— Alors je pars aussi.

— J’ai peur que ce ne soit pas possible, ai-je dit calmement. Je pense que Lazlo peut nous faire passer par un des lanceurs de radeaux, comme il est monté à Tek’to. Mais avec le matériel que tu trimballes, ta source d’énergie, si tu pénètres sans autorisation sur le navire, tu vas déclencher toutes les alarmes de fuite du Daikoku Dawn.

J’y étais allé au hasard, le saut de l’ange depuis un échafaudage rapide de déductions de Diplo, mais ça a fait mouche. Les Furtifs se sont regardés, et Lazlo a fini par opiner de la tête.

— Il a raison, Orr. Je n’arriverai jamais à te faire passer par ce conduit.

Le géant m’a fixé de longues secondes, puis s’est détourné pour regarder la femme sur le lit.

— Si tu lui fais le moindre mal…

J’ai soupiré.

— La meilleure façon de lui faire du mal, Orr, ce serait que je la laisse ici. Et je n’y compte pas. Alors garde tes sales regards pour Kovacs.

— Ouais, a dit Jadwiga. C’est promis. Dès que Sylvie sera de nouveau sur pieds, on se le fera, ce salaud, et…

Je l’ai interrompue.

— Admirable, mais un peu prématuré. Tu planifieras ta vengeance plus tard, OK ? Pour le moment, on va déjà essayer de survivre.

 

Bien sûr, c’était un tout petit peu plus compliqué.

Quand j’ai insisté, Lazlo a reconnu que la sécurité sur les rampes du glisseur à Kompcho était laxiste, à la limite du risible. À la base de Drava, où l’on craint l’assaut minmil en permanence, les docks seraient bourrés de contre-mesures électroniques anti-intrusion.

— Donc, ai-je dit en m’efforçant de rester calme et patient, tu n’as jamais fait ton petit tour de la rampe à canot de sauvetage ici, à Drava.

— Eh bien, si, une fois, a répondu Lazlo en se grattant l’oreille. Mais j’ai eu de l’aide. Du brouillage, signé Suki Bajuk.

— Cette petite traînée…, a gloussé Jadwiga.

— Eh, jalouse. C’est une excellente déClass de commandement. Même camée jusqu’aux yeux, elle a fait gicler les codes d’entrée comme…

— À ce qu’on m’a dit, elle n’a pas fait gicler que ça, ce week-end-là.

— Eh, c’est pas parce qu’elle est…

— Elle est ici ? Maintenant, dans la base ?

— Je ne sais pas. On pourrait vérifier, j’imagine, mais…

— Mais ça va prendre une éternité, a prédit Kiyoka. Et de toute façon, elle n’aura peut-être pas envie de recommencer son petit coup. T’aider à t’amuser, c’est une chose, Laz. Flinguer les ordres de Kurumaya, ça l’amusera peut-être moins. Tu vois ce que je veux dire ?

— Elle est forcée de le savoir ? a demandé Jadwiga.

— Jad, sois pas comme ça. Je ne vais pas foutre Suki dans la merde sans…

Je me suis éclairci la voix.

— Et Oishii ?

Ils se sont tous tournés vers moi. Orr a plissé le front.

— Sans doute. Sylvie et lui se connaissent depuis un bail. Ils ont été têtards ensemble.

Jadwiga a souri.

— Bien sûr qu’il le fera. Si Micky le lui demande.

— Quoi ?

Il y avait des sourires sur toutes les lèvres, maintenant. Une agréable libération de la tension ambiante. Kiyoka a gloussé derrière sa main. Lazlo a fait de son mieux pour regarder le plafond. Gloussements et reniflements contenus. Seul Orr était trop en colère pour se joindre à la rigolade.

— T’as rien remarqué depuis quelques jours, Micky ? (Jadwiga en profitait jusqu’au bout.) Oishii t’aime bien. Je veux dire, il t’aime vraiment bien.

J’ai regardé mes compagnons dans l’espace confiné et j’ai fait de mon mieux pour reproduire l’irritation d’Orr. J’étais surtout énervé contre moi-même. Non, je n’avais rien remarqué, ou au moins je n’avais pas identifié cette attraction pour ce que Jadwiga disait qu’elle était. Pour un Diplo, c’était un sérieux ratage au niveau détection d’occasion.

Ex-Diplo.

Oui, merci.

— Bon, alors. Je ferais mieux d’aller lui parler.

— Ouais, a répondu Jadwiga sans sourire. Pour voir s’il veut bien te donner un petit coup… de main.

Les éclats de rire ont fusé, explosant dans la pièce bondée. Un sourire involontaire a réussi à s’imprimer sur mon visage.

— Bande d’enfoirés.

Ça n’a rien arrangé. L’hilarité s’est encore accrue. Sur le lit, Sylvie a ouvert les yeux. Elle s’est levée sur un coude et a toussé. Ç’avait l’air de faire mal. Les rires sont repartis aussi vite qu’ils étaient arrivés.

— Micky ?

Sa voix était faible et rouillée. Je me suis tourné vers le lit. J’ai vu du coin de l’œil le regard assassin qu’Orr m’a lancé. Je me suis penché.

— Oui, Sylvie. Je suis là.

— Pourquoi vous riez ?

— C’est une très bonne question.

Elle a serré mon bras avec la même force que cette nuit-là, au campement d’Oishii. Je me suis préparé à ce qu’elle allait dire. Au lieu de ça, elle a frissonné et a regardé les doigts qui s’enfonçaient dans le bras de mon blouson.

— Je… Ça me connaissait. Ça me connaissait. Comme un vieil ami. Comme un…

— Laisse-la tranquille, Micky.

Orr a essayé de m’écarter d’un coup d’épaule, mais la poigne de Sylvie sur mon bras a suffi à résister. Elle l’a regardé sans comprendre.

— Qu’est-ce qui se passe ? a-t-elle supplié. J’ai regardé le géant en biais.

— Tu veux lui dire ?

Furies Déchaînées
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